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est encore mieux, et surtout d’un meilleur rapport. Les moines des couvents voisins de Çrâvastî s’y employèrent avec le même succès que leurs confrères des autres villes saintes. Au viie siècle leurs rares héritiers (car, répétons-le, toute cette région avait été de bonne heure dévastée et à peu près désertée) montraient toujours à Hiuan-tsang le trou béant par lequel Tchiñtchâ avait été engloutie : comment douter après cela de son forfait ? Il faut même croire que l’exploitation de ce singulier lieu saint était d’un excellent revenu, et aussi que le territoire abondait en ces excavations naturelles que l’on croyait « sans fond, parce que l’eau de la saison-des-pluies n’y séjournait pas ». À 800 pas (chinois, donc doubles) plus au Nord, mais toujours près de la clôture orientale du Djêtavana, on menait également les pèlerins devant deux autres fosses profondes, situées côte à côte, et qui étaient censées s’être ouvertes, l’une sous les pas du traître Dêvadatta (dont nous lirons bientôt les perfides machinations), et l’autre sous ceux du moine Kokâlika, son complice ; après quoi on traînait les visiteurs plus loin dans l’Est devant l’étang desséché où le cruel Viroudhaka, en expiation du massacre des Çâkyas, avait reçu le même châtiment. L’agenda de la tournée était ainsi des plus chargés. Il ne comportait pas seulement, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la cité, l’évocation du Maître et de ses persécuteurs, mais aussi celle des deux principaux disciples, des deux grands zélateur et zélatrice Anâthapindada et Viçâkhâ, du brigand Angoulimâla, des jeunes filles Çâkyas cruellement suppliciées pour avoir refusé d’entrer dans le harem du vainqueur, des cinq cents aveugles qui recouvrèrent la vue et créèrent un bois de leurs bâtons plantés en terre,  etc. L’enclos relativement restreint du Djêtavana, tout comme celui de l’arbre de la Bodhi, avait ainsi fini par s’encombrer de monuments commémoratifs et de monastères, d’abord placés côte à côte, puis, à mesure qu’ils tombaient en ruines, remplacés par d’autres édifices, si bien que les fouilles archéologiques ont retrouvé, sous la brousse et la jonchée de briques de la surface, deux ou trois couches superposées de stoupa, de temples, de promenoirs et de couvents. Le fait a été mis hors de doute par le témoignage des inscriptions : les tertres de Saheth-Maheth, situés dans l’État hospitalier de Balrâmpour, représentent le parc du prince Djêta et la vieille capitale du Koçala ; et c’est à bon escient que les bouddhistes d’aujourd’hui peuvent venir comme ceux d’autrefois y promener leur mélancolie, à présent que les recherches de l’Archæological Survey leur en ont rappris le chemin[1].

Le grand prodige magique. — Mais il est grand temps d’en venir enfin au miracle dont Çrâvastî était jadis le plus fière de proposer le site à la vénération publique. On ne s’étonnera pas que Fahien et Hiuan-tsang, distraits par l’abondance des « saints vestiges » et ne sachant plus auquel entendre de leurs cicérones, l’aient à peine mentionné en passant[2]. Évidemment il finissait par

  1. Cf. ASI (Cunn.) I p. 317 s. ; XI p. 78 s. ; Annual Report 1907-8 p. 81 s. ; 1908-9 p. 133 s. ; 1910-11 p. 1 s.
  2. Les pèlerins ne le mentionnent qu’à propos du temple commémoratif et ce qu’ils ont surtout retenu est qu’au coucher du soleil l’ombre portée de ce temple tombait sur un temple brahmanique voisin.