Page:Foucher - La Vie du Bouddha, 1949.djvu/292

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qui, microbes de ce temps-là, étaient la cause du fléau, exorcisés par sa seule présence, s’étalent empressés de déguerpir. Ce fut à cette occasion que Goçringuî le fit inviter à l’avance par un perroquet parleur, et lui fit don au dessert d’un « Grand-Bois » dans la banlieue Nord de la ville[1]. C’est dans cet ermitage que (nous l’avons vu) sa tante et mère adoptive Mahâpradjâpatî était venue le relancer et lui arracher la permission pour les femmes d’entrer dans l’ordre ; et c’est aussi à Vaïçâlî que la vénérable reine douairière était censée avoir atteint la sainteté et être entrée dans le Nirvânâ. C’est là enfin que des passages célèbres des Écritures reconduiront encore par deux fois le Prédestiné.

Il vous faut savoir que « En ce temps-là Vaïçâlî était une cité opulente, prospère, populeuse, où régnait l’abondance, et qu’elle comptait 7 777 palais à terrasses, 7 777 maisons à pignons, 7 777 parcs et 7 777 étangs de lotus. Et elle possédait encore la courtisane Amrapâlî qui était toute belle, charmante, gracieuse, dotée d’une merveilleuse fleur de teint, habile dans la danse, le chant et la musique, recherchée à l’envi par le désir des hommes ; sa nuit coûtait cinquante (écus) et grâce à elle la splendeur de Vaïçâlî allait toujours croissant[2] ». La cité était d’autre part gouvernée par l’oligarchie des Litchavis et si vous voulez vous faire une idée de la belle apparence de ces princes et de la somptuosité de leurs parures comme de leurs équipages, lisez ce qu’a dit d’eux le Bouddha, un jour qu’ils se rendaient en corps auprès de lui : « Que ceux d’entre vous, ô moines mendiants, qui n’ont jamais vu la compagnie des Trente-trois dieux regardent celle des Litchavis : elle est pareille ». Dès que les oligarques et la courtisane ont vent de l’approche du Bouddha, c’est à qui s’empressera d’aller au-devant de lui. Mais Amrapâlî devance les seigneurs du lieu et présente la première son invitation que le Maître ne fait aucune difficulté pour accepter ; et honni soit qui mal y pense ! À son retour vers la ville, le char de la belle courtisane se heurte à ceux des jeunes Litchavis qui se rendent là d’où elle revient : « Seigneurs, leur annonce-t-elle triomphalement, j’ai invité pour demain la Communauté des moines, le Bouddha en tête. » — « Amrapâlî, répondent-ils, cède-nous ce repas pour cent mille (écus). » — « Même si vous me donniez Vaïçâlî avec tout son territoire, je ne vous céderais pas ce repas ». Et alors les Litchavis firent claquer leurs doigts en disant : « En vérité nous avons été refaits par une femmelette ! » Le lendemain le Bouddha avec ses disciples se rend à l’invitation d’Amrapâlî et, le repas terminé, celle-ci leur fait don en toute propriété de son Parc-des-Manguiers : « Et après avoir par une homélie enseigné, encouragé, incité et réjoui la courtisane, le Bienheureux se leva de son siège et s’en alla au Grand-Bois. Et le Bienheureux demeura à Vaïçâlî, dans le Grand-Bois, à la salle du Belvédère[3] ».

C’est aussi justement là que nous avons à conduire le lecteur. Une fois le Gange traversé à Patna, si nous prenons la direction

  1. MVU I p. 251 s. Cf. DhPC XXI 1 ; Manual p. 244 etc. Le Grand-bois (Mahâ-vana) était planté d’arbres çâla (shorea robusta), d’où son autre nom de Çâla-vana.
  2. MVA VIII 1 et cf. VI 30 ; Âmra-pâli, « qui a pour protecteur un manguier », devait sans doute son nom au fait que, selon la coutume des dames de sa profession, elle avait été mariée fictivement à un arbre de cette essence.
  3. Mahâ-vane Kûṭâgâra-çâlâyâm (pour Kûṭaagâra qui désigne un édifice avec étages et un pignon nous adoptons la traduction de H. Kern) ; les textes skt ajoutent (DA p. 135 et 200) Markaṭa-Kkrada-tire « sur le bord de l’étang du singe » (ou « des singes », les deux sens étant grammaticalement possibles).