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première étape (et, comme toutes les premières étapes, assez courte) dans la direction du Nord : le roi y possédait un pavillon de plaisance dans un parc de manguiers. C’est en ce lieu, où il avait déjà prononcé deux sermons célèbres[1], que le Bouddha s’installe une fois encore avec sa compagnie de moines, à laquelle il ne manque pas d’adresser le sermon accoutumé. « Puis, quand le Bienheureux eut séjourné tant qu’il lui plut à Amba-latthikâ, il dit au révérend Ânanda : Allons, Ânanda, rendons-nous à Nâlanda ». On se souvient que ce village qui devait devenir la grande université bouddhique de l’Inde médiévale, et où le Service archéologique de l’Inde a conduit des fouilles si fructueuses[2], était la patrie du grand disciple Çâripoutra. L’occasion a paru bonne au scribe de faire renaître celui-ci de ses cendres et, sans souci de se répéter, reprendre verbatim avec le Maître une de leurs anciennes conversations. Une troisième marche conduit enfin le Bouddha et son cortège jusqu’au bord du Gange, au village de Pâtali (Le Bignonia) où les zélateurs laïques organisent aussitôt une réception en son honneur : et là s’intercale une large tranche, d’ailleurs non dénuée d’intérêt, prélevée sur un vieux traité de Discipline[3].

Situé, comme l’a déjà noté Fa-hien, juste au-dessous du confluent de plusieurs puissantes rivières, le village de Pâtali (aujourd’hui Patna[4]) était de temps immémorial le grand lieu de passage du Moyen Gange. Son importance commerciale autant que stratégique était évidente. De fait il ne devait pas tarder à devenir sous le nom de Pâtalipoutra[5] (la Palibothra de Mégasthène) la capitale, célèbre jusqu’en Occident, de l’empire quasi pan-indien des Mauryas. Nous ne nous étonnerons donc pas d’y trouver les deux premiers ministres d’Adjâtaçatrou, Sounîdha et Varshakâra, en train d’y édifier une forteresse pour tenir en respect les Litchavis, maîtres de l’autre rive, et servir en même temps de base de départ à l’offensive qu’ils persistent à méditer. Nous admettrons sans plus de peine que le Bouddha ait pu prévoir le grand avenir réservé à leur fondation en même temps que les trois habituels dangers à redouter pour elle : inondation, incendie et discordes intestines. Comme la saison du printemps est déjà avancée, il ne peut être question de traverser le Gange à gué, de banc de sable en banc de sable : grossi par la fonte des neiges himâlayennes, le grand fleuve coule à pleins bords « si bien que les corneilles perchées sur ses rives n’ont qu’à se pencher pour y boire[6] ». Qu’à cela ne tienne : Çâkya-mouni le traversera donc en bac, et — encore un indice topographique précis — l’on continuera à signaler à la vénération des pèlerins la porte par laquelle il est sorti de la ville pour gagner l’embarcadère. Ainsi tout se passera le plus naturellement du monde : mais c’est justement là ce qu’un cœur dévotieux ne saurait souffrir, et les hagiographes y ont mis bon ordre. Tout d’abord le Bouddha ne se borne plus à prévoir la grandeur future de la nouvelle ville : il précise qu’elle

  1. Le Râhula-vâda-sutta (sur le mensonge) et le Brahmajâla-sutta (Dial. I) sont donnés comme prononcés à Ambalaṭṭḥikâ.
  2. Cf. ASI Ann. Report 1921-2 et suiv.
  3. MVA VI 28-30.
  4. Fa-hien (B p. 54) dit « cinq » rivières ; trois s’imposent, outre le Gange lui-même, à savoir la Gandhakî et le Goghra (Gharghara) au N. et au S. le Sôn (Suvarṇa = Hiraṇyavatî = Errannoboas) : on cherche la cinquième. Cunningham (ASI XI p. 163) propose la Phalgu qui débouche un peu en aval.
  5. Sur l’origine du nom de Pâṭaliputra v. la légende contée par Hiuan-Tsang (J I p. 410 ; B II p. 83 ; W II p. 86) et consultez le Pâli Dictionary s. v. Puṭa ; sur les fouilles de Patna v. ASI Ann. Report 1912-3.
  6. Skt kâkapeya.