Page:Foucher - La Vie du Bouddha, 1949.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marquaient l’emplacement des huit Grands miracles et qui pouvaient aussi bien être un arbre ou un temple[1]. Ce sont ces huit tertres primitifs, ou plus exactement sept d’entre eux (car les génies-serpents se refusèrent à lui abandonner celui de Râmagrâma) qu’environ deux siècles plus tard l’empereur Açoka, pieusement sacrilège, aurait tour à tour violés afin de distribuer leurs précieux dépôts entre les 84 000 reliquaires du même genre dont il passera pour avoir parsemé l’Inde entière. C’est apparemment de cette impériale initiative que date l’extraordinaire fortune réservée à ces massifs monuments[2]. D’une part ils vont se répandre dans l’Asie centrale et l’Extrême Orient en élançant de plus en plus vers le ciel leurs coupoles et leurs pinacles ; de l’autre ils ne tarderont pas à acquérir en propre un caractère sacré, la vénération populaire passant insensiblement des reliques qu’ils contiennent à la bâtisse qui les contient : tant et si bien que finalement ils n’auront même plus besoin d’en contenir pour demeurer l’édifice religieux par excellence en tout pays bouddhique. Mais l’exposé de leur évolution formelle en même temps que de leur consécration spirituelle fournirait la matière d’un volume spécial[3].

Nous avons ainsi conduit le Bouddha jusqu’à ses innombrables tombes : il ne nous reste plus d’autre tâche que de fixer la date de sa mort. Cette question, si longuement et laborieusement discutée, ne nous retiendra pas longtemps. La chronologie singhalaise (de toutes les supputations proposées par les diverses sectes bouddhiques la plus vraisemblable) place cet événement en 543 avant notre ère ; les calculs des érudits européens le font descendre jusqu’en l’an 477 : l’écart est d’environ 65 ans. D’autre part la tradition veut (et nous l’avons docilement suivie au cours des pages qui précèdent) que le Prédestiné ait encore vécu une cinquantaine d’années après son départ de la maison, soit au total 80 ans[4]. L’assertion n’a rien en soi d’invraisemblable ; toutefois rien n’en vient confirmer l’authenticité. Ce qu’en revanche nous savons de source certaine, c’est que le Bouddha se devait à lui-même et à ses fidèles d’avoir au moins atteint cet âge au cours de son existence dernière, car c’est là dans les idées indiennes la durée normale minima d’une pleine vie humaine, et de bonne heure l’on ne put admettre que le Bienheureux fût mort prématurément. Dès lors le soupçon naît que le désaccord entre le comput des Indiens et celui des indianistes proviendrait simplement du fait que les premiers auraient au cours des temps confondu les dates et assigné au Trépas de leur Maître celle qui se rapporterait à sa Nativité. Ce qui donne quelque consistance à cette hypothèse, ce n’est pas seulement que le chiffre de 80 est trop conventionnel pour n’être pas suspect ; c’est encore la curieuse constatation que nous avons dû faire ci-dessus (p. 244) à la suite de tous les biographes anciens ou modernes. La tradition prétend suivre pas à pas les étapes de l’itinérante prédication du

  1. Cf. JA 1909 p. 1 ou BBA p. 147 ; sur le stûpa de Râmagrâma v. Sâñchî pl. 11, 2 (cf. pl. 46, 3) et Amarâvatî F pl. 11-2. — Sur l’inscription du dépôt de Reliques du stûpa de Piprâwâ (à environ 12 kil. au S.-O. de Kapilavastu) v. Aug. Barth Œuvres vol. V p. 259 s.
  2. Telle est l’opinion autorisée de Sir John Marshall Sâñchî vol. I p. 20-23.
  3. V. Gilbert Combaz L’évolution du stûpa en Asie (Bruxelles-Louvain 1933).
  4. Cf. la stance mise dans la bouche du Buddha mourant (Dial. II p. 167 ; cf. BT p. 106 et Th. Watters On Yuan Chwang’s Travels in India II p. 33).