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l’équitation, l’art de monter les éléphants, la conduite des chars et le maniement des armes — bien entendu des armes blanches. De celles-ci le texte en question ne mentionne que trois, l’épée, la lance et l’ankuça, c’est-à-dire une espèce de gaffe dont la pointe métallique est munie d’un crochet et qui apparemment ne servait pas seulement, comme aujourd’hui, à mener les éléphants. Du long et confus chapitre xii du Lalita-vistara nous pouvons dégager l’existence d’une sorte de pentathle indien. On y retrouve comme en Grèce la course à pied, le saut en longueur et en hauteur[1], et la lutte corps à corps, dite « avec prise » et comportant même, semble-t-il, diverses sortes de prises, de corps, de mains, de pieds et de chignon ; mais le lancer du javelot est éclipsé par le tir à l’arc, et il n’est pas fait mention du disque. Pourtant l’Inde connaissait bien cette arme favorite de son grand dieu Vishnou, sous la forme d’un grand anneau d’acier plat, aiguisé sur sa tranche extérieure. De nos jours encore les vieux guerriers Sikhs, gardiens du temple d’Amritsar, enroulent dans leur turban cette arme, archaïque sans doute, mais qui, lancée d’une main robuste et sûre, après l’avoir fait tournoyer autour des doigts, pouvait à distance couper une tête. En revanche on nous cite en passant le jet du lasso.

Comme chaque fois qu’il est question de réalités concrètes et dès longtemps abolies, le relevé de ces noms ne nous avancerait guère si les monuments figurés ne nous aidaient (risquons le mot) à les « visualiser ». Les nombreuses représentations de l’armée de Mâra nous mettent sous les yeux la forme et le mode de suspension de la courte et large épée indienne, telle qu’Arrien nous la décrit de son côté d’après les mémoires des compagnons d’Alexandre. À la porte Ouest de la balustrade du grand stoupa de Sâñchî c’est avec une forte pique dans sa main droite qu’un génie monte la garde, etc.[2]. Où les vieux sculpteurs nous rendent les plus signalés services, c’est en nous révélant dans tous leurs détails le harnachement des chevaux et des éléphants ou la construction des chars. Nous apprenons ainsi que dans l’Inde d’il y a deux mille ans on montait à cheval sans étriers, sur un tapis de selle, et qu’on n’avait pour diriger l’animal qu’un simple bridon. Le cavalier de l’éléphant, si l’on peut ainsi parler, se tenait, le croc spécial en main, à califourchon sur le cou, les jambes glissées derrière les larges oreilles du pachyderme. C’est là en effet la seule place confortable sur l’énorme bête dont l’échine est par trop arquée. Le serviteur se tenait comme il pouvait derrière le seigneur en s’accrochant à une corde formant sous-ventrière. C’est seulement depuis l’invention du siège fixé sur le dos de l’éléphant que le cornac s’est emparé à la fois de la place et de l’ankush abandonnés par le maître[3]. Enfin l’un des linteaux de Sâñchî ne nous laisse rien à deviner de la fabrication et de l’attelage des chars de ce lointain pays et de cette époque reculée. Il représente en effet la série des trop généreuses aumônes du prince

  1. Tel est du moins le sens que nous croyons devoir attribuer aux deux mots langhita et plavita constamment associés ; le second aurait pu faire penser à la natation. La lutte est dite sa-âlambha ; le disque est le cakra, le lasso est le pâça.
  2. AgbG fig. 201-4 ; Sâñchî, pl. 66.
  3. Cf. les chapiteaux de Sâñchî, Portes Nord et Est. Le siège est dit le haudâ (orth. angl. howdah).