Page:Fouillée - Descartes, 1893.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
DESCARTES.

en Descartes un métaphysicien entièrement perdu, comme Malebranche, dans le monde idéal : c’est un savant ayant les yeux ouverts sur la nature entière, mais avec sa pensée idéaliste de derrière la tête. Il faut, dit Descartes à plusieurs reprises, il faut, une fois dans sa vie, comprendre les « principes de la métaphysique », puis étudier le monde de la pensée et le monde de l’étendue. Il avoue à la princesse Élisabeth, dans une de ses lettres les plus curieuses, qu’il serait « très nuisible » de n’occuper son entendement qu’à méditer les idées métaphysiques, à cause qu’il ne pourrait si bien vaquer aux fonctions « de l’imagination et des sens », mais il est absolument nécessaire, une bonne fois, de se faire une opinion raisonnée. La « principale règle » qu’il avait toujours observée en ses études, écrit-il encore à Élisabeth, était de n’employer que quelques heures par an aux pensées « qui n’occupent que le seul entendement », c’est-à-dire la métaphysique, « et quelques heures par jour aux pensées qui occupent l’entendement et l’imagination », c’est-à-dire aux mathématiques et à la physique. Le reste du jour devait être consacré à des délassements ou à des promenades dans les champs, à l’exclusion des « conversations sérieuses » ; et quant au repos de la nuit, il devait être aussi long que possible. « Je dors ici dix heures toutes les nuits, écrit-il à Balzac, et sans que jamais aucun soin ne m’éveille. Après que le sommeil a longtemps promené mon esprit dans les bois,… je mêle insensiblement mes rêveries