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DESCARTES.

ses écrits. Il n’aimait pas à faire des livres — quoiqu’il en dût faire un si grand nombre ; — et il ne les publiait que sur les instances réitérées de ses amis. Sa devise était : Bene vixit, qui bene latuit. Sa prudence de Tourangeau, son esprit de conduite, sa finesse, sa patience politique, son art de ménager les puissances tout en arrivant à ses fins, font songer qu’il est né à quelques pas du château de Richelieu. Sa forte personnalité, sa sincérité hautaine, que seule tempérait sa prudence, son indocilité aux opinions d’autrui, son assurance en soi-même, tenaient non à sa prétendue origine bretonne, mais simplement à la conscience de son génie. « Je suis devenu si philosophe, écrit-il à Balzac, que je méprise la plupart des choses qui sont ordinairement estimées, et en estime quelques autres dont on n’a point accoutumé de faire cas. » On lui a reproché le sentiment qu’il avait de sa valeur ; il a répondu d’avance et fièrement : « Il se faut faire justice à soi-même, en reconnaissant ses perfections aussi bien que ses défauts ; et si la bienséance empêche qu’on ne les publie, elle n’empêche pas pour cela qu’on ne les ressente. » — « D’ailleurs, ajoute-t-il, ce sont les plus grandes âmes qui font le moins d’état des biens qu’elles possèdent ; il n’y a que les faibles et basses qui s’estiment plus qu’elles ne doivent et sont comme les petits vaisseaux que trois gouttes d’eau peuvent remplir. »