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DESCARTES.

ouvrages : la Science nouvelle ou le Nouvel Organum ; mais ces titres ne conviennent proprement qu’à l’œuvre même de Descartes. Pour la comprendre, il faut donc caractériser ce qu’étaient avant lui et la science et la méthode. Les leçons de Descartes, croyons-nous, seront encore bonnes à entendre pour les savants et les philosophes de notre époque : qui peut jamais se flatter, même de nos jours, d’avoir entièrement dépouillé les préjugés scolastiques ?

La logique d’Aristote, comme celle de Platon et de l’antiquité tout entière, c’était la logique de la « qualité » et de « l’essence », plutôt que de la quantité et des phénomènes. Les choses étaient conçues comme un système de qualités : l’homme, par exemple, comprend les qualités générales de l’animalité, plus une « qualité spécifique », qui est la raison ; et celle-ci est son essence. Après avoir déterminé les qualités, on les réunissait en genres et espèces, on les classait : la classification semblait être le plus haut degré de la science, le résumé de l’univers. De là, les Idées de Platon, cette grande classification des choses dans l’éternité, à laquelle croient aujourd’hui ceux qui admettent l’immutabilité des espèces ; de là, les genres d’Aristote, les définitions par « le genre et la différence », le syllogisme descendant du général au particulier. C’est donc, en somme, par les essences qu’on expliquait les choses : tout le mouvement de la science consistait soit à remonter de genre en genre, soit à descendre l’échelle des « différences spécifiques ». Aristote, il est vrai, atta-