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LA REVOLUTION CARTÉSIENNE.

chait aux faits une légitime importance ; il n’en est pas moins certain que ce qu’il poursuivait dans sa philosophie, c’était l’ordre hiérarchique des formes, ainsi que des causes finales : toute la science se déroulait pour lui dans le domaine infiniment varié de la qualité. Au moyen âge, ce qu’il pouvait y avoir de profond dans cette antique vision des choses fit place aux rêveries sur les « qualités occultes », sur les « formes substantielles », sur les finalités de la nature et les intentions du Créateur. Même quand on s’occupait des nombres et des figures, c’était moins pour découvrir leurs rapports mathématiques que pour s’enchanter, comme Pythagore et Platon, de leurs harmonies esthétiques, de leur ordre, de leur finalité cachée. Kepler était animé de cet esprit quand il pythagorisait ; quand il apercevait dans les orbites des astres (auxquels il donnait des âmes) non la nécessité mathématique, mais la poursuite divine des lignes les plus belles et les plus harmonieuses. Kepler admettait aussi les forces occultes, et s’il devinait que la lune produit les marées, il lui attribuait aussitôt la vertu étrange d’ « astre humide ». C’étaient toujours les composés et leurs « qualités », non les éléments et leurs rapports quantitatifs que poursuivait la science de l’antiquité et du moyen âge. Si donc il est vrai de dire, avec Kant, que l’explication finaliste est celle qui cherche la raison des parties dans le tout qu’elles forment, comme la raison d’un organe dans l’organisme entier, au lieu expliquer le tout par les parties et l’organisme par