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LA RÉVOLUTION CARTÉSIENNE.

tâcher d’en déduire ». Et ceux-là, ce sont ceux qui se présentent à nous. Les expériences « sont d’autant plus nécessaires qu’on est plus avancé en connaissance ». En effet, au commencement, ce ne sont que les phénomènes les plus généraux et les plus familiers qu’il s’agit d’expliquer ; mais, quand on pénètre dans les subtiles complications du réel, par cela même du possible, les problèmes deviennent tellement spéciaux qu’ils exigent des expériences de plus en plus spéciales et nombreuses.

À l’inverse de Bacon, Descartes comprend l’importance de l’hypothèse ou construction idéale dans les sciences de la nature ; il marque aussi avec précision le degré de probabilité qui appartient aux hypothèses selon leur conformité à l’expérience. Le monde, dit-il avec profondeur, est comme une écriture secrète, un « chiffre » qu’il s’agit de lire et d’interpréter. On attribue, par hypothèse, un sens à chaque lettre et une règle au tout : par exemple, on suppose que chaque lettre du chiffre est mise à la place de la lettre suivante, OQHR à la place de PARIS ; et si, en lisant de cette façon, « on trouve des paroles qui aient du sens », on ne doutera point que ce ne soit le vrai sens du chiffre. Le contraire, quoique possible, n’est pas « moralement croyable ». De même, si l’alphabet mathématique nous fournit une règle pour interpréter les « propriétés de l’aimant, du fer et des autres choses qui sont au monde », nous aurons acquis pour notre science une « certitude morale ». Or c’est à l’expérience d’établir cette