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CHAPITRE II

la venue du surhomme



I. — Bien vieille est la théorie païenne du Surhomme, qui, par delà la loi morale comme la loi civile, revient à la nature pour déployer toute l’énergie qui est en lui et fournir à l’humanité le spécimen d’un type supérieur. Platon n’a-t-il pas mis dans la bouche de Calliclès ces paroles connues, qu’on croirait de Nietzsche lui-même : « Nous prenons, dès la jeunesse, les meilleurs et les plus forts d’entre nous ; nous les formons et les domptons comme des lionceaux par des enchantements et des prestiges, leur faisant entendre qu’il faut s’en tenir à l’égalité et qu’en cela consiste le beau et le juste. Mais, selon moi, qu’il paraisse un homme de grand caractère ; qu’il secoue toutes les entraves, déchire nos écritures, dissipe nos prestiges et nos enchantements, foule aux pieds nos lois, toutes contraires à la nature ; qu’il s’élève au-dessus de tous et que de notre esclave, il devienne notre maître ; alors on verra briller la justice naturelle ! » Hercule n’emmena-t-il pas avec lui les bœufs de Géryon, « sans qu’il les eût achetés et qu’on les lui eût donnés » ? Son seul titre de propriété, c’est qu’il était Hercule. Que fait d’ailleurs la loi même, reine des mortels et des immortels ? « Elle traîne avec elle la violence d’une main puissante, et elle la légitime. » En entendant Calliclès, Socrate se félicitait d’avoir un adversaire d’une telle