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le retour éternel

vait chez les esprits les plus différents. C’est alors que Nietzsche, fasciné à son tour par cette notion antique que la science moderne a rajeunie, s’imagina qu’il avait fait une immense découverte, qu’il allait apporter à l’humanité la grande nouvelle d’où daterait l’ère future.

    « Moi, Zarathoustra, l’affirmateur de la vie, l’affirmateur de la douleur, l’affirmateur du cercle, — c’est toi que j’appelle, toi la plus profonde de mes pensées !…
    « Tout va, tout revient, la roue de l’existence tourne éternellement.
    « Tout meurt, tout refleurit ; éternellement coulent les saisons de l’existence.
    « Tout se brise, tout se reconstruit ; éternellement se bâtit la même maison de l’existence.
    « Tout se sépare, tout se réunit de nouveau ; l’anneau de l’existence se reste éternellement fidèle à lui-même.
    « À chaque moment commence l’existence ; autour de chaque ici tourne la boule là-bas. Le centre est partout. Le sentier de l’éternité est tortueux.[1]»


Zarathoustra dit encore ailleurs :

    Maintenant je meurs et je disparais, et dans un instant je ne serai plus rien. Les âmes sont aussi mortelles que les corps.
    Mais, le nœud des causes où je suis enchevêtré revient, — il me recréera Je fais moi-même partie des causes de l’éternel retour des choses.
    Je reviendrai avec ce soleil, avec cette terre, avec cet aigle, avec ce serpent, — non pour une vie nouvelle, ni pour une vie meilleure, ou semblable :
    Je reviendrai éternellement pour cette même vie pareille, en grand et aussi en petit, afin d’enseigner de nouveau l’éternel retour de toutes choses.
    Afin de redire la parole du grand Midi de la terre et des hommes, afin d’enseigner de nouveau aux hommes le Surhomme.
    J’ai dit ma parole, ma parole me brise ; ainsi le veut ma destinée éternelle ; — je disparais en annonciateur[2]!


Gœthe avait représenté la Nature comme un joueur

  1. Ainsi parla Zarathoustra, trad. H. Albert, p. 309.
  2. P. 314.