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Page:Fouillée - Nietzsche et l’immoralisme, 2e éd., 1902.djvu/30

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nietzsche et l’immoralisme

l’association des égoïstes ? — « Ce que fera un esclave, répond Stirner, quand il aura brisé ses chaînes, il faut l’attendre. » Aujourd’hui, la seule tâche essentielle est de renverser la tyrannie du christianisme sous quelque forme qu’elle se dissimule dans le monde moderne. « L’Unique se ruera, dit Stirner, à travers les portes, jusqu’au cœur même du sanctuaire de l’église religieuse, de l’église de l’État, de l’église de l’Humanité, de l’église du Devoir, de l’église de la Loi… Il consommera le sacro-saint et le fera sien. Il digérera l’hostie et s’en sera affranchi ! » Stirner s’en est tenu à l’anarchisme destructeur.

III. — Quelle est cependant, aujourd’hui, la doctrine anarchiste positive, qui tend à surgir sur les ruines amoncelées par l’anarchisme négateur de Stirner, que nous retrouverons chez Nietzsche ? Les théoriciens modernes de l’anarchisme positif nous rappellent d’abord un résultat acquis selon eux : c’est l’importance formidable et abusive qu’ont prise dans l’État les facteurs régulateurs sociaux, aux dépens des facteurs actifs et producteurs, qui sont individuels. « En démontant la machine de l’État rouage par rouage et en montrant dans cette police sociale qui s’étend du roi jusqu’au garde champêtre et au juge de village un instrument de guerre au service des vainqueurs contre les vaincus, sans autre rôle que de défendre l’état de choses existant, c’est-à-dire de perpétuer l’écrasement du faible actuel par le fort actuel », les penseurs libertaires ont, depuis longtemps, « mis en évidence le caractère essentiellement inhibiteur et stérilisant de l’État ». Loin de pouvoir être un ressort pour l’activité individuelle, « l’État ne peut que comprimer, paralyser et annihiler les efforts de l’individu[1]».

Stirner, lui, a fait un pas de plus. Il a mis en lumière « l’étouffement des forces vives de l’individu par

  1. M. Reclaire, Préface.