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CHAPITRE II


la part de la socialité dans l’individualisme,
selon guyau
.



I. — Guyau, nous l’avons montré ailleurs[1], se faisait de la vie une conception profonde. De même que Nietzsche, il considérait l’idée de vie comme plus fondamentale que celle de force, qui n’en est qu’un « extrait et un abstrait », que celle de mouvement, silhouette inanimée de l’animé, que celle même d’existence, puisque la seule existence à nous connue directement est notre vie se sentant elle-même, dont ensuite nous retranchons tel ou tel attribut pour concevoir d’autres existences, par exemple les existences prétendues matérielles, qui ne sont, selon Guyau, qu’une vie à son déclin ou une vie à son début. Pour lui comme pour Nietzsche, tout est vie, et on ne peut rien concevoir de vraiment réel qui ne soit vivant.

Selon Guyau — et ce sera aussi l’opinion de Nietzsche — une morale de la vie qui n’invoque que les faits biologiques et psychologiques, sans faire intervenir ni thèses métaphysiques ni lois a priori, ne peut présenter dès l’abord à l’individu pour premier mobile d’action le bien ou le bonheur de la société, car le bonheur de la société est souvent en opposition avec celui de l’individu. « Dans ces cas d’opposition, le bonheur social, comme tel, ne

  1. Voir notre livre : la Morale, l’Art et la Religion selon Guyau, 5e édition, revue et augmentée.