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part de socialité selon guyau

tuelle sur ce type font un contresens. « Plus il y a de gens à penser différemment, plus grande est la somme de vérité qu’ils finiront par embrasser et où ils se réconcilieront à la fin. » Le rôle de l’initiative augmente de nos jours, chacun tend à se faire sa loi et sa croyance. « Puissions-nous en venir un jour à ce qu’il n’y ait plus nulle part d’orthodoxie, je veux dire de foi générale englobant les esprits ; à ce que la croyance soit tout individuelle, à ce que l’hétérodoxie soit la seule, vraie et universelle religion ! Vouloir gouverner les esprits est pire encore que de vouloir gouverner les corps ; il faut fuir toute espèce de directeurs de conscience ou de directeurs de pensée comme un fléau… Il est temps que nous marchions seuls, que nous prenions en horreur les prétendus apôtres, les missionnaires, les prêcheurs de toute sorte, que nous soyons nos propres guides et que nous cherchions en nous-mêmes la révélation. Il n’y a plus de Christ ; que chacun de nous soit son Christ à lui-même, se relie à Dieu comme il voudra et comme il pourra, ou même renie Dieu ; que chacun conçoive l’univers sur le type qui lui semblera le plus probable, monarchie, oligarchie, république ou chaos ; toutes ces hypothèses peuvent se soutenir, elles doivent donc être soutenues. Bienheureux donc aujourd’hui ceux à qui un Christ pourrait dire : Hommes de peu de foi !… si cela signifiait : Hommes sincères qui ne voulez pas leurrer votre raison et ravaler votre dignité d’êtres intelligents, hommes d’un esprit vraiment scientifique et philosophique qui vous défiez des apparences, qui vous défiez de vos yeux et de vos esprits, qui sans cesse recommencez à scruter vos sensations et à éprouver vos raisonnements ; hommes qui seuls pourrez posséder quelque part de la vérité éternelle, précisément parce que vous ne croirez jamais la tenir tout entière ; hommes qui avez assez de la véritable foi pour chercher toujours, au lieu de vous reposer en vous écriant : J’ai trouvé ; hommes courageux qui marchez là où les autres s’arrêtent et s’endorment : vous