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Page:Fouillée - Nietzsche et l’immoralisme, 2e éd., 1902.djvu/61

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la volonté de puissance et le vouloir-vivre

de la mêlée ? Comment donc un philosophe qui entreprend de restituer à l’âme humaine toute sa richesse commence-t-il par l’appauvrir en lui retirant la joie de triompher sans combat, le droit d’aimer et de se faire aimer, de vivre en autrui comme en soi, de multiplier ainsi sa propre vie par celle de tous ? Zarathoustra chantera lui-même, il est vrai, d’admirables hymnes d’amour :

    Il fait nuit, voici que s’élève plus haut la voix des fontaines jaillissantes. Et mon âme, elle aussi, est une fontaine jaillissante.
    Il fait nuit : c’est maintenant que s’éveillent tous les chants des amoureux. Et mon âme, elle aussi, est un chant d’amoureux.
    Il y a en moi quelque chose d’inapaisé et d’inapaisable qui veut élever sa voix. Il y a en moi un désir d’amour qui parle lui-même la langue de l’amour…

Malheureusement, nous l’avons vu, l’amour n’est encore pour Zarathoustra que le désir d’épandre sa puissance sur autrui ; il est une des formes du Wille zur Macht. Est-ce bien là le véritable amour ?

La religion de la puissance pure, que prêche Zarathoustra, nous ramène à l’antique culte du Père, aux dépens du Fils et surtout de l’Esprit. Si le Fils symbolise la vérité et l’Esprit la bonté, il est à craindre que vérité et bien ne soient rejetés au second plan et même niés par tout adorateur de la pure puissance. C’est en effet, comme nous allons le voir, ce qui arrive à Zarathoustra.


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