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CHAPITRE II


l’idée de la vie individuelle.
nietzsche et l’école anglaise
.



I. — Selon M. Tille, auteur du livre intitulé De Darwin à Nietzsche (1895, Leipzig), Nietzsche serait le premier moraliste qui de l’évolution et de la sélection naturelle a su tirer des conséquences logiques pour la conduite de la vie. Darwin, dit M. Tille, regardait sa doctrine comme compatible avec « la morale chrétienne, humanitaire et démocratique » ; mais une série de penseurs anglais et allemands ont peu à peu battu en brèche cette affirmation de Darwin, jusqu’à Nietzsche, qui l’a remplacée hardiment par une négation. Les penseurs français, dont M. Tille (selon l’habitude allemande) se garde de parler, n’ont pas suivi les aventureux égarements des Anglais et des Allemands depuis Darwin. C’est en France que l’on a surtout protesté, que l’on proteste encore et que, pour notre part, nous continuons de protester (comme l’avait fait aussi Guyau) contre les prétendues conclusions tirées des principes darwiniens par ceux qui adorent l’éternelle inégalité, l’éternelle oppression, la guerre éternelle. Examinons donc s’il est vrai que la morale de Nietzsche soit la vraie expression du darwinisme.

Nietzsche, qui, en bon Allemand, a toujours soin de représenter sa doctrine comme absolument nouvelle, sans prédécesseurs et sans maîtres, n’a pas manqué