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m. paul bourget

Il faudrait une étude spéciale pour apprécier convenablement ce seul point de son œuvre, car il l’a analysée puissamment, cette femme moderne, reine et maîtresse d’une société qui ne vit plus que par et pour la jouissance. Il l’a considérée en elle-même, dans ses relations sociales et dans son influence sur l’homme. Il ne l’aime pas et il la conçoit conmie la concevait Balzac le jour où il écrivit l’axiome que nous venons de citer, parce qu’il la connaît et que tout ce qu’il a trouvé en elle de superficiel, de creux, d’hypocrite et d’un peu cruel ne l’a pas précisément disposé à en concevoir une excellente opinion. Il l’aime parce que dans cet être puéril et faux, souvent un peu lâche, il a rencontré une exaltation latente, capable de pousser la passion — bonne ou mauvaise — jusqu’à l’extrême. Les plus grandes sublimités ou les plus grandes bassesses, l’azur ou la fange, toute femme peut, à un certain moment, sous l’influence d’un sentiment quelconque, s’élever jusqu’à l’un d’un coup d’aile, ou, tête baissée, dégringoler jusqu’à l’autre. Ce manque d’équilibre, de pondération chez la créature observée rend l’observateur indulgent et sévère tour à tour. Il justifie même jusqu’à un certain point cette indulgence et cette sévérité.