Page:Fourest - La Négresse blonde, 1909.djvu/18

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les strophes se déroulaient avec une ampleur de la plus grandiloquente cocasserie.

Tous bavaient d’extase : Adolphe Rellé, aujourd’hui bénédictin, alors anarchiste ; Rambosson, notoire de par son romantique prénom d’Yvanhoé ; F.-A. Cazals, étranglé d’une haute cravate en spirales, le front barré d’une mèche à la Delacroix, féroce et loyal « en un frac très étroit aux boulons de métal ». Le piano, hebdomadairement massé par le Docteur Le Bayon, avait cessé ses gémissements coutumiers, et, assoiffés de lyrisme, les chansonniers eux-mêmes écoutaient : nasillardes clameurs de Canqueleau, vocalises sopranisées par Montoya, couplets antigouvernementaux mâchés férocement par Ferny, tout se taisait ; on n’entendait plus, scandée par le récitant, que l’impressionnante épitaphe :


Git-gît Georges Fourest ; il portait la royale,
Tel, autrefois, Armand Duplessis-Richelieu,
Sa moustache était fine et son âme loyale,
Oncques il ne craignit la vérole, ni Dieu !


Quand le dernier vers eut cessé de bruire, les auditeurs du Soleil d’Or, les mains brisées à force d’applaudir, les poumons encrassés de nicotine, jugèrent hygiénique d’extérioriser leurs admirations. De la Fontaine Saint-Michel à Bullier, le Boulevard se couvrit de thuriféraires… [le baron Trimouillat, tenorino mégalomane mais imperceptible, atteint de l’aphonie des grandeurs ; l’incohérent Jules Lévy dont le rire laissait