Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/15

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Un dogme qui ravale Dieu au-dessous des cannibales et des anthropophages, un dogme digne des cultes atroces de la Scandinavie et de l’ancien Mexique, le dogme des supplices éternels de l’enfer, est enseigné comme croyance obligée dans un siècle qui vante ses lumières. L’enfer fut inventé dans des siècles obscurs, et pour museler des peuples grossiers, incapables de réflexion. Ce dogme a été indécemment continué dans les siècles éclairés qui auraient dû s’en purger. On l’a maintenu par la facilité qu’il offrait de terrifier les moribonds, et extorquer d’eux des donations en faveur de l’autel.

Ce dogme, aussi révoltant que ridicule, produit l’effet qu’on devait attendre, le dégoût de la religion. Les peuples se soulèvent contre un dieu de rage et d’extermination, qui veut plonger dans les brasiers éternels six cents millions de sauvages et barbares. Après qu’ils auront passé leur vie dans les tourments de l’esclavage et de la famine, Dieu les fera torturer éternellement, parce qu’ils n’ont pas eu connaissance d’une doctrine romaine que personne ne leur a jamais enseignée, et parmi les deux cents millions de chrétiens, l’immense majorité sera encore plongée dans des fournaises, selon la maxime : Beaucoup d’appelés, peu d’élus !

Tant de cruautés soulèvent les esprits. On se demande pourquoi Dieu créa le genre humain, s’il avait l’intention d’en plonger les quatre-vingt-dix-neuf centièmes dans des fournaises remplies de vipères. Le dieu de l’Eglise romaine est-il bien le dieu de paix, et comment ses ministres osent-ils prêcher la charité au nom d’un bourreau implacable dans sa fureur ?


II. parallèle des systèmes attractif et répulsif


Sans anticiper sur le traité du mouvement passionnel, j’essaie de faire entrevoir le vice politique des religions modernes.

La religion catholique romaine est une manœuvre de diffraction inverse, mode qui a pour caractère constituant de pivoter sur extrêmes conjugués divergents et de laisser toujours le centre dégarni.

1o Elle circonvient et influence les deux âges extrêmes et disparates en moyens intellectuels, les enfants et les vieillards, par la cruauté des supplices de l’enfer ; mais cette même crainte influence-t-elle sur l’homme en âge de raison, à vingt, trente et quarante ans ? Non, sans doute ! Voilà donc un système de terreur qui opère sur deux âges extrêmes et très-divergents en culpabilité ; car l’âge caduc est pétri de crimes, tandis que l’âge d’enfance n’en a commis aucun. Rien n’est plus disparate sous le rapport des peines méritées ; cependant les deux âges