ment donc la populace, généralement adonnée au plaisir des sens, pourrait-elle aspirer au salut, dont désespèrent les plus fervents cénobites ?
Quant à certaines classes qui prétendent arriver de plein pied comme les prélats et ministres catholiques, je ne vois par sur quoi ils fondent leurs prétentions. L’opinion a toujours été qu’ils en sont exclus. On peut citer à ce sujet les extraits des tragédies et mystères écrits au XIIe siècle, où l’on ne raillait pas sur les affaires religieuses. On damnait pourtant à cette époque les ecclésiastiques, prélats, moines, abbés et même cardinaux, témoin le morceau suivant :
Pendus au croc,
Abbé y a et moine en froc,
Empereur, roi, duc, comte et pape,
Et bouteiller avec son broc
De joie à poc ;
Laboureur aussi o son soc,
Cardinal, évéque o sa chape,
Nul d’eux jamais de là n’échappe
Que ne les happe
Le diable avec un ardent broc.
Mis ils sont en obscure trappe ;
Puis fort les frappe,
Le diable qui tous les attrape.
Avec sa râpe
C’est ainsi que l’opinion du siècle était exprimée dans des tragédies saintes, où les prélats mêmes assistaient, et ces vers justifient l’assertion d’un écrivain de notre siècle, qui dit :
Qui dans l’enfer cuit bien tristement.
Bref, à récapituler toutes les chances de réprobation, il est évident que les quatre-vingt-dix-neuf centièmes du genre humain sont plongés dans la géhenne, où il n’y a que pleurs, grincements de dents et tortures éternelles pour une peccadille d’amour aussi bien que pour un parricide, pour Tityre et Amarillys, aussi bien que pour Tibère et Néron.
Ici le simple exposé du dogme et de ses conséquences a l’air d’une satire, tant l’hypothèse de l’enfer est insoutenable et outrageante pour Dieu. Ceux qui ont assis un système religieux sur un pareil pivot étaient-ils judicieux ? Ils ont déconsidéré la religion et la Divinité ; ils ont préparé les voies à l’impiété, aux sectes d’athées, de matérialistes