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Page:Fournel - Les Hommes du 14 juillet, 1890.djvu/16

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LA BASTILLE EN 1789.

il est vrai, que le bœuf était de la vache, que les plats étaient mal cuits, et que le gouverneur bénéficiait cyniquement des deux tiers ou des trois quarts de la somme allouée pour ses prisonniers. Il se pourrait bien, en effet, que les bénéfices sur la nourriture entrassent en ligne de compte dans les petits profits de la place, et même que le cuisinier de la Bastille ne se piquât pas de rivaliser avec Vatel, surtout lorsqu’il s’agissait du menu fretin[1]. Mais il n’en est pas moins vrai que les historiens de parti pris dissimulent mal leur étonnement devant ce tarif et ce menu, en s’efforçant de les déprécier l’un et l’autre par des observations ou des épithètes de leur cru, et que nos prisonniers actuels échangeraient volontiers leur régime contre celui-là.

Renneville lui-même, qui n’est pas suspect, constate que la nourriture était abondante et saine, comme on dit dans les prospectus des pensionnats, tout en trouvant moyen de l’attribuer encore à un motif intéressé, car il faut que le gouverneur n’y perde rien. Celui-ci envoyait souvent des morceaux de sa table à son pensionnaire malade ou en conva-

  1. François Hennequin, emprisonné à la Bastille en 1675, appuie beaucoup sur la méchante qualité de la nourriture dans ses Souvenirs publiés par la Revue rétrospective. Le roi, dit-il, donne quatre livres par jour pour les prisonniers de la catégorie la plus misérable ; mais on assure qu’il n’y en a pas un « qui ne vaille, tous les ans, au gouverneur une bonne métairie » (t. IX, p. 71). Mais Hennequin était malade. Et quant à Latude, qui avoue au moins l’abondance, en se plaignant beaucoup de la qualité, il est fort suspect.