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LES HOMMES DU 14 JUILLET;

c’est aujourd’hui vendredi ? — Vous êtes chargé de ma garde et non de ma conscience, répliqua Dumouriez. Je suis malade, car la Bastille est une maladie. » Et on envoya chercher son poulet.

Beaucoup de détenus obtenaient ainsi la permission de s’adresser pour leur nourriture au traiteur ; d’autres étaient autorisés à la faire venir de leur maison. On leur envoyait souvent du dehors des fruits, des fleurs, du sucre, des confitures. Gourville reçut un jour un magnifique brochet et invita le gouverneur, qui répondit à cette invitation en apportant le champagne. Si l’on en était réduit au régime ordinaire, il n’avait vraiment rien d’intolérable, sans prendre le cas de Dumouriez pour la règle. Le tarif journalier, au XVIIIe siècle, gradué d’après l’importance des prisonniers, allait de 50 livres pour les princes, à 3 livres pour les gens du plus bas étage, et il ne faut pas oublier que ces 3 livres en vaudraient le triple aujourd’hui. Le menu variait chaque jour de la semaine ; il comprenait pour les petites tables, c’est-à-dire pour celles des prisonniers ordinaires, le dimanche, à dîner : potage, tranche de bœuf, deux petits pâtés ; le soir, tranche de rôti, haricot de navets, salade. Pour les grandes tables, c’était bien autre chose[1]. Chaque prisonnier avait une livre de pain et une bouteille de vin par jour. On nous assure,

  1. On peut voir le menu quotidien dans les Remarques et anecdotes de la Bastille, 1789, et la Bastille, par Dufey, de l’Yonne, 1833, in-8o, p. 288.