A ce jour pour moi ramenée !
Le haut Soleil, qui pour couronne,
Son chef de mille feux couronne, [1440]
M'apportait-il jà cet édit,
Lorsque laissant le jaune lit
A par la grand' lice ordonnée
Commencé sa sèche traînée ?
Mais quoi ? La fureur me transporte, [1445]
Mes ennuis m'ouvrent une porte
Inconnue à tous mes esprits :
Tant que je suis du dueil épris.
Je suis mort, je péris, c'est fait,
Ma vie avec tout son effet [1450]
Dépendait de cette amour mienne :
Et faut-il ore que je vienne
Perdre ce qui me faisait vivre ?
Puis après si je veux poursuivre
Et venger telle cruauté, [1455]
La justice est d'autre côté,
Qui jà, ce me semble, me chasse,
Et mes biens et mon chef menace.
Si j'assoupis cette vengeance,
Je viendrai sentir telle outrance [1460]
Que dépit me fera crever.
Ne vous veuillez ainsi grever,
Tous ces mots auront guérison.
Premier quant est de la poison,
Qui tellement vous a déçu, [1465]
Que, comme vous dites, n'avez su
En ce monde vivre sans elle,
La contrepoison infidèle
A cette poison hors poussée :
Quant à la justice offensée, [1470]
Qui contre vous se lèverait,
Quand le faux tour on vengerait :
De cela n'ayez peur aucune,
Je me hasarde à la fortune.
Tout seul demain je m'en irai, [1475]
Et notre Abbé je meurtrirai.
Si je fuis ignorez le cas ;
Si je suis pris, dites que pas
N'étiez de ce fait consentant.
J'aime mieux seul mourir que tant [1480]
En vous voyant souffrir, souffrir.