Page:Fournier - Le Théâtre français au XVIe et au XVIIe siècle, t. 2, Garnier.djvu/380

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J'exterminai dès lors toutes les Amazones.

Mon père à cet exploit se voulut opposer ; [15]

Et parant quelques coups pensait me maîtriser :

Mais craignant ma valeur aux Dieux mêmes funeste,

Il alla se sauver dans la voûte céleste.

Le soleil qui voit tout, voyant que sans effort

Je dompterais le Ciel, entreprend notre accord : [20]

De Mars en ma faveur la puissance il resserre,

Et le fait Mars du Ciel, moi celui de la terre.

Lors pour récompenser ce juste jugement,

Voyant que le Soleil courait incessamment,

J'arrêtai pour jamais sa course vagabonde : [25]

Et le voulus placer dans le centre du monde :

J'ordonnai qu'en repos il nous donnât le jour ;

Que la terre et les cieux roulassent à l'entour ;

Et c'est par mon pouvoir, et par cette aventure,

Qu'en nos jours s'est changé l'ordre de la Nature. [30]

Ma seule autorité donna ce mouvement

À l'immobile corps du plus lourd élément ;

De là vient le sujet de ces grands dialogues,

Et des nouveaux avis des plus fins Astrologues.

J'ai fait depuis ce temps mille combats divers ; [35]

Et j'aurais de mortels dépeuplé l'univers ;

Mais voyant qu'à me plaire un sexe s'évertue,

J'en refais par pitié tout autant que j'en tue.

Où sont-ils à présent tous ces grands Conquérants ?

Ces fléaux du genre humain ? Ces illustres Tyrans ? [40]

Un Hercule, un Achille, un Alexandre, un Cyre,

Tous ceux qui des Romains augmentèrent l'Empire,

Qui firent par le fer tant de monde périr ?

C'est ma seule valeur qui les a fait mourir.

Où sont les larges murs de cette Babylone ? [45]

Ninive, Athène, Argos, Thèbe, Lacédémone,

Carthage la fameuse et le grand Ilion ?

Et j'en pourrais nombrer encore un million.

Ces superbes cités sont en poudre réduites :

Je les pris par assaut, puis je les ai détruites. [50]

Mais je ne vois rien plus qui m'ose résister :

Nul guerrier à mes yeux ne s'ose présenter.

Quoi donc, je suis oisif ? Et je serais si lâche

Que mon bras peut avoir tant soit peu de relâche ?