Un tome de Plutarque [385]
M'a fourni le portrait de ce divin Monarque.
Et pour le mieux chérir je le porte en mon sein.
Quittez, belle, quittez cet étrange dessein.
Ce vaillant Alexandre, agréable Mélisse,
N'a plus aucun pouvoir de vous rendre service. [390]
Quoi ? Pour mon serviteur voudrais-je un si grand Roi ?
De qui l'univers a révéré la loi ?
Phalante, il était né pour commander au monde.
Vous aimez d'une amour qui n'a point de seconde.
Mais vous feriez bien mieux de choisir un amant [395]
Qui pourrait en effet vous chérir constamment ;
Un homme comme moi, dont l'extrême richesse
Peut de mille plaisirs combler votre jeunesse.
Pensez-vous par ce charme abuser mes esprits ?
Quittez ce vain espoir, j'ai vos biens à mépris. [400]
Osez-vous comparer quelque pauvre héritage,
Quelque champ malheureux qui vous vint en partage.
Aux trésors infinis de ce grand Conquérant ?
Qui prodiguait les biens du pays odorant.
De la Perse, et de l'Inde, et souvent à des Princes [405]
Comme présents légers a donné des provinces ?
Mais où sont ces trésors ? Les avez-vous ici ?
Comme il les méprisait, je les méprise aussi.
Je perds ici le temps, elle est préoccupée
Par cette folle amour dont sa tête est frappée. [410]
Je vais voir ses parents, ils me recevront mieux :
Mes grands biens me rendront agréable à leurs yeux.
De la guérir sans eux je n'ose l'entreprendre.
Adieu jusqu'au revoir, l'amante d'Alexandre.
Adieu mortel chétif, qui t'oses comparer [415]
À ce vaillant Héros que tu dois adorer.