Page:Fournier - Le Théâtre français au XVIe et au XVIIe siècle, t. 2, Garnier.djvu/391

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Je ne puis rien trouver digne de mon amour. [360]

C'est lui dont le mérite a captivé mon âme,

C'est lui pour qui je sens une amoureuse flamme,

Et doit-on s'étonner si ce puissant vainqueur

Ayant dompté la terre, a su dompter mon coeur ?

PHALANTE
.


Mais c'est une chimère où votre amour se fonde : [365]

Car que vous sert d'aimer ce qui n'est plus au monde ?

MÉLISSE
.


Nommer une chimère un Héros indompté ?

Ô Dieux ! Puis-je souffrir cette témérité ?

PHALANTE
.


Mélisse mon désir, n'entrez pas en colère.

Mais au moins dites-moi, comment se peut-il faire [370]

D'aimer un inconnu, que vous ne pouvez voir,

Et dont se peut l'idée à peine concevoir ?

MÉLISSE
.


Appeler inconnu, celui de qui l'histoire

A décrit les beaux faits tous rayonnants de gloire,

De qui la renommée épandue en tous lieux [375]

Couvre la terre, et s'étend jusqu'aux cieux ?

Ce manque de raison n'est pas compréhensible.

PHALANTE
.


Mais j'appelle inconnu ce qui n'est pas visible.

MÉLISSE
.


Je le connais assez, je le vois tous les jours,

Je lui rends mes devoirs, et lui dis mes amours. [380]

PHALANTE
.


Quoi ? Vous parlez à lui ?

MÉLISSE
.


Je parle à son image,

Qui garde tous les traits de son charmant visage.

PHALANTE
.


Une image à mon gré ne charme point les yeux.

MÉLISSE
.


Toutefois en image on adore les Dieux.

PHALANTE
.


Où l'avez-vous trouvée ?

MÉLISSE
.