Je ne puis rien trouver digne de mon amour. [360]
C'est lui dont le mérite a captivé mon âme,
C'est lui pour qui je sens une amoureuse flamme,
Et doit-on s'étonner si ce puissant vainqueur
Ayant dompté la terre, a su dompter mon coeur ?
Mais c'est une chimère où votre amour se fonde : [365]
Car que vous sert d'aimer ce qui n'est plus au monde ?
Nommer une chimère un Héros indompté ?
Ô Dieux ! Puis-je souffrir cette témérité ?
Mélisse mon désir, n'entrez pas en colère.
Mais au moins dites-moi, comment se peut-il faire [370]
D'aimer un inconnu, que vous ne pouvez voir,
Et dont se peut l'idée à peine concevoir ?
Appeler inconnu, celui de qui l'histoire
A décrit les beaux faits tous rayonnants de gloire,
De qui la renommée épandue en tous lieux [375]
Couvre la terre, et s'étend jusqu'aux cieux ?
Ce manque de raison n'est pas compréhensible.
Mais j'appelle inconnu ce qui n'est pas visible.
Je le connais assez, je le vois tous les jours,
Je lui rends mes devoirs, et lui dis mes amours. [380]
Quoi ? Vous parlez à lui ?
Je parle à son image,
Qui garde tous les traits de son charmant visage.
Une image à mon gré ne charme point les yeux.
Toutefois en image on adore les Dieux.
Où l'avez-vous trouvée ?