D'un autre plus cruel j'en fis mourir un cent.
Je sens, quand on me parle, une haleine de flamme.
Ceux qui n'osent parler m'adorent en leur âme. [450]
Mille viennent par jour se soumettre à ma loi,
Je sens toujours des coeurs voler autour de moi
Sans cesse des soupirs, sifflent à mes oreilles.
Mille voeux élancés m'entourent comme abeilles.
Les pleurs près de mes pieds courent comme torrents, [455]
Toujours je pense ouïr la plainte des mourants ;
Un regret, un sanglot, une voix languissante,
Un cri désespéré d'une douleur pressante,
Un je brûle d'amour, un hélas je me meurs :
La nuit je n'en dors point, je n'entends que clameurs [460]
Qui d'un trait de piété, s'efforcent de m'atteindre :
Voyez, ma chère soeur, suis-je pas bien à plaindre ?
Il faut vous détromper : il n'en est pas ainsi.
Ce nouvel amoureux qui me parlait ici,
Qui se promet de rendre une fille opulente. [465]
Quoi ? Voulez-vous encor me parler de Phalante ?
Que vous êtes cruelle.
Écoutez un moment
Je veux vous annoncer que ce nouvel amant.
Ah ! Bons Dieux que d'amants ! Qu'un peu je me repose :
N'entendrai-je jamais discourir d'autre chose ? [470]
Mais laissez-moi donc dire.
Ah ! Dieux quelle pitié !
Si vous avez pour moi tant soit peu d'amitié :
Ne parlons plus d'amour, souffrez que je respire.
Vous ignorez, ma soeur, ce que je veux vous dire.
Je sais tous les discours de tous ces amoureux. [475]
Qu'il brûle, qu'il se meurt, qu'il est tout langoureux,
Que jamais d'un seul coup âme ne fut atteinte,
Que pour avoir secours il vous refait sa plainte,