Page:Fournier - Le Théâtre français au XVIe et au XVIIe siècle, t. 2, Garnier.djvu/397

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Savez-vous un sujet dont nous parlions aussi.

D'une dont la beauté peut aisément prétendre

D'avoir plus de captifs que n'en fit Alexandre. [530]

AMIDOR
.


Donc je la nommerais Cyprine dompte-coeur,

Qui d'un trait doux-poignant subtilement vainqueur,

Et du poison sucré d'une friande oeillade

Rendrait des regardants la poitrine malade.

SESTIANE
.


Jugez en vérité, laquelle est-ce de nous ? [535]

AMIDOR
.


Je ne puis, sans de deux encourir le courroux.

Pour un tel jugement le beau pasteur de Troie

Aux Argives flambeaux donna sa ville en proie.

Il ne faut point juger des grandes déités.

Je puis nommer ainsi vos célestes beautés. [540]

SESTIANE
.


Ô Dieux ! Qu'il a d'esprit, mais il faut que je die

Que nous parlions aussi touchant la comédie ;

Car c'est ma passion.

AMIDOR
.


C'est le charme du temps :

Mais le nombre est petit des auteurs importants

Qui sachent entonner un carme magnifique, [545]

Pour faire bien valoir le cothurne tragique.

Pour moi je sens ma verve aimer les grands sujets.

Je cède le Comique à ces esprits abjects.

Ces Muses sans vigueur qui s'efforcent de plaire

Au grossier appétit d'une âme populaire : [550]

Puis je vois qu'un intrigue embrouille le cerveau.

On trouve rarement quelque sujet nouveau :

Il faut les inventer, et c'est là l'impossible.

C'est tenter sur Neptune un naufrage visible.

Mais un esprit hardi ; savant et vigoureux, [555]

D'un tragique accident est toujours amoureux ;

Et sans avoir recours à l'onde Aganipide,

Il puise dans Sophocle, ou dedans Euripide.

SESTIANE
.


Toutefois le Comique étant bien inventé,

Peut-être ravissant quand il est bien traité. [560]