Dont les yeux innocents font leurs félicités.
Le grand parc se sépare en superbes allées,
Par mes riches aïeux en tous sens égalées.
Les arbres sont beaux, et droits et chevelus [1105]
Et se joignant en haut de leurs rameaux feuillus.
Parlent en murmurant, s'embrassent comme frères,
Et contre les chaleurs sont des dieux tutélaires.
Un vert et long tapis par le milieu s'étend,
Qu'entrevoit le soleil d'un rayon tremblotant : [1110]
Deux ruisseaux aux côtés mouillent les palissades,
Interrompant leur cours par cent mille cascades.
Au bout des promenoirs en un lieu reculé
Se découvre un rond d'eau d'espace signalé :
Diane est au milieu de colère animée, [1115]
Et Niobé en rocher à demi transformée.
La Reine au lieu de pleurs verse de gros torrents :
Sa jeune fille encor l'étreint de bras mourants :
Et ses autres enfants comme personnes vraies
Font sortir pour du sang un jet d'eau de leurs plaies ; [1120]
L'étang dont le sein vaste engouffre ses canaux,
D'un bruit continuel semble plaindre leurs maux.
Ce rond d'eau me plaît fort.
Autour des palissades
Cent niches en leurs creux ont autant de Naïades,
Qui d'un vase de marbre élancent un trait d'eau, [1125]
Qui se rend comme un arc dans le large vaisseau,
Et les admirateurs de ces beaux lieux humides
Se promènent autour sous des voûtes liquides
Quel plaisirs, ô bons Dieux !
Loin de là s'aperçoit
Un jardin que l'on sent plutôt qu'on ne le voit : [1130]
Mille grands orangers en égale distance
De fruits mêlés de fleurs jettent une abondance :
Ils semblent orgueilleux de voir leur beau trésor,
Que leurs fleurs sont d'argent et que leur fruit est d'or :
Et pour se distinguer chacun d'eux s'accompagne [1135]
Ou d'un myrte amoureux, ou d'un jasmin d'Espagne.
Que tous ces beaux jardins ont de charmants appas !