Page:Fournier - Le Théâtre français au XVIe et au XVIIe siècle, t. 2, Garnier.djvu/420

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Ensuite est un grand lieu large de mille pas.

Dans les quatre côtés sont vingt grottes humides,

Et l'on voit au milieu le lac des Danaïdes. [1140]

Ses bords sont balustrés, et cent légers bateaux,

Peints de blanc et d'azur voltigent sur les eaux :

Où sans craindre le sort qui mène aux funérailles

Se donnent quelquefois d'innocentes batailles.

Un grand rocher s'élève au milieu de l'étang, [1145]

Où les cinquante sœurs faites de marbre blanc

Portent incessamment les peines méritées

D'avoir en leurs maris leurs mains ensanglantées ;

Et souffrant un travail qui ne saurait finir,

Semblent incessamment aller et revenir. [1150]

Au haut, trois de ces Sœurs à cruche renversée,

Font choir trois gros torrents dans la tonne percée :

La tonne répand l'eau par mille trous divers :

Le roc qui la reçoit en a les flancs couverts.

Au bas l'une des Sœurs puise à tête courbée, [1155]

L'autre montre et se plaint que sa cruche est tombée :

L'une monte chargée, et l'autre qui descend

Semble aider à sa Sœur sur le degré glissant :

L'une est prête à verser, l'autre reprend haleine :

L’œil même qui les voit prend sa part de leur peine. [1160]

L'eau que ce vain travail tourmente tant de fois

Semble accuser des Dieux les inégales lois,

Et redire en tombant d'une voix gémissante,

Pourquoi souffré-je tant, moi qui suis innocente ?

Ce bruit et ce travail charment tant les esprits, [1165]

Qu'on perd tout souvenir tant l'on en est épris.

ALCIDON
.


Ô Dieux ! N'en dites plus, je suis plein de merveilles ;

Vous m'avez en ce lieu charmé par les oreilles.

LYSANDRE
.


J'entendrais ce récit volontiers tout un jour.

ALCIDON
.


Je me promène encor dedans ce beau séjour. [1170]

Il est vrai, la richesse est une belle chose :

Toute félicité dedans elle est enclose.

Un pauvre n'est qu'un sot. Allez, je vous reçois :

Venez devers le soir vous présenter à moi.

Je vous donne ma fille, et veux qu'elle vous aime. [1175]

Cette offre de vos voeux m'est une gloire extrême.

PHALANTE
.


Effacez de son coeur quelques impressions,