C'est celle que j'ai vue en ce même moment.
C'est doncques pour ma soeur que votre coeur soupire ? [1375]
Non.
Ma soeur, pouvait-il plus adroitement dire
Que c'est moi qu'il chérit, car c'est l'une des deux.
Respectueux amant, on accepte vos voeux ?
Celle que vous aimez, de ma part vous assure
Qu'elle a pitié des maux que votre coeur endure, [1380]
Mais sans rien désirer adorez sa vertu.
Ô doux soulagement d'un esprit abattu !
Que je baise vos mains pour l'heureuse nouvelle
Que ma Déesse envoie à son Amant fidèle.
Mais vous de qui l'esprit par tant de nobles vers [1385]
Du bruit de cette Nymphe a rempli l'Univers,
Quittez vos déplaisirs, car pour reconnaissance
Sachez qu'elle vous donne une ample récompense.
Il est vrai que c'est lui qui causa mon ardeur.
Quel don puis-je espérer digne de sa grandeur ? [1390]
Vous allez devenir le plus riche du monde.
Hélas ! Sur quoi veut-on que cet espoir se fonde ?
Elle peut pour le moins compter cent mille amants
Qui vivant sous ses lois souffrent mille tourments.
Elle va publier, pour soulager leur peine [1395]
Qu'ils n'ont qu'à lui donner des vers de votre veine :
Vous verrez arriver de cent climats divers
Ces pauvres languissants pour avoir de vos vers,
Vous offrir des présents, des innombrables sommes :
Vous voilà dans un mois le plus riche des hommes. [1400]
Ô Dieux ! Les voyageurs sur les Indiques bords
N'amassèrent jamais de si riches trésors.
Quels beaux champs triomphaux, et quels Panégyriques
Mériteront de moi ses bontés héroïques ?