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Page:Fournier - Le Théâtre français au XVIe et au XVIIe siècle, t. 2, Garnier.djvu/427

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Crois-tu, cher confident de ma nouvelle ardeur,

Que ma fidélité puisse être assez heureuse

Pour fléchir quelque jour cette humeur rigoureuse ?

HESPÉRIE
.


Écoute, chère soeur, ce misérable Amant

Qui feint ne me point voir pour dire son tourment. [1350]

AMIDOR
.


Les grands peuvent donner les soutiens d'une vie,

Qui par mille accidents nous peut-être ravie :

Mais par un vers puissant comme la déité

Je puis leur faire don de l'immortalité.

FILIDAN
.


Ah ! Qu'elle est rigoureuse à son Amant fidèle ! [1355]

AMIDOR
.


Ah ! Que pour les savants la saison est cruelle !

FILIDAN
.


Beauté, si tu pouvais savoir tous mes travaux !

AMIDOR
.


Siècle, si tu pouvais savoir ce que je vaux !

FILIDAN
.


J'aurais en ton amour une place authentique.

AMIDOR
.


J'aurais une statue en la place publique. [1360]

HESPÉRIE
.


J'ai pitié de les voir en cette égalité

L'un se plaindre du temps, l'autre de ma beauté.

SESTIANE
.


Non, c'est un Dialogue : Amidor l'étudie

Pour en faire une Scène en quelque Comédie.

HESPÉRIE
.


Ah ! Ne le croyez pas, l'un et l'autre en effet [1365]

Ont du temps et de moi l'esprit mal satisfait.

Voyez qu'ils sont rêveurs : sachons-le avec adresse.

Doncques vous vous plaignez d'une ingrate maîtresse ?

FILIDAN
.


Si c'est quelque pitié naissante en votre coeur

Qui vous fasse enquérir quel trait fut mon vainqueur, [1370]

Sachez qu'il vint d'un oeil que j'adore en mon âme.

HESPÉRIE
.


Voyez qu'il est adroit à me conter sa flamme.

Quelle est donc la beauté d'où vient votre tourment ?