Page:Fournier - Le Théâtre français au XVIe et au XVIIe siècle, t. 2, Garnier.djvu/434

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Quelle est cette Hespérie ? Ô Dieux ! Cette beauté

Se mêle d'attenter à cette vanité ? [1550]

Vanité téméraire, et digne de supplice,

Qu'à peine souffrirais-je dans une Impératrice.

Moi que mille beautés pourchassent à l'envi ?

Que je suis d'elles partout à toute heure suivi ;

Qui n'ai qu'à regarder celle qui me peut plaire. [1555]

Pour dire, allez, c'est vous que je veux satisfaire.

Entre autres la constance, et l'ardente amitié

D'une qui me poursuit, vous ferait bien pitié,

Qui me nomme son tout, et son cher Alexandre.

ALCIDON
.


C'est ma fille.

ARTABAZE
.


Il est vrai, l'on vient de me l'apprendre. [1560]

Certes, elle ne cède à nulle de ces lieux,

Et peut bien mériter un regard de mes yeux :

Mais jugez de combien elle s'était trompée :

Ayant su les pays conquis par mon épée ?

Ayant ouï parler de mes faits glorieux, [1565]

Qui m'ont de l'Univers rendu victorieux,

Son esprit se bornait à ne pouvoir comprendre

Sinon qu'elle voyait un second Alexandre.

Ce nom me fâchait fort, comme indigne de moi.

Car bien qu'il fût vaillant, bien qu'il fût un grand Roi. [1570]

Peut-être au quart du monde il fit jadis la guerre,

Et pour moi j'ai conquis tout le rond de la terre.

ALCIDON
.


Hé quoi ? Je n'ai point lu l'histoire de vos faits :

Où vend-on ce beau livre ?

ARTABAZE
.


Il ne parut jamais.

L'auteur qui me suivit en ce fameux voyage, [1575]

Avec tous écrits périt par un naufrage.

De votre fille enfin j'ai détrompé l'esprit,

Qu'on me nomme Artabaze, et quelle se méprit

Alors qu'elle pensa que j'étais Alexandre.

J'ai bien eu quelque peine à lui faire comprendre, [1580]

Tant elle était brouillée en son entendement.

Mais elle a fait alors un coup de jugement.

Pour gagner mon amour par un beau stratagème,

Elle feint sur le champ une colère extrême :

Mêmes elle ose bien passer jusqu'au mépris : [1585]