Page:Fournier - Le Théâtre français au XVIe et au XVIIe siècle, t. 2, Garnier.djvu/435

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Son dessein réussit, soudain j'en suis épris :

Mon cœur lui fait présent de sa noble franchise,

Car je fuis qui me suit, j'aime qui me méprise.

Nul ne saurait plus haut porter l'ambition

Que d'oser renvier sur ma présomption : [1590]

C'est un trait généreux, et d'un hardi courage ;

Aussi pour ce sujet je l'aime davantage.

Je veux croire qu'un jour il naîtra de nous deux,

Un des plus grands guerriers et des plus hasardeux,

Un qui se fera voir sur la terre et l'onde [1595]

Mon digne successeur à l'Empire du monde.

ALCIDON
.


Vous êtes Empereur ?

ARTABAZE
.


Je le suis en pouvoir.

ALCIDON
.


Il faut donc devant vous être dans son devoir.

ARTABAZE
.


Couvrez-vous, ces respects ne sont que tyrannies,

Je ne m'amuse pas à ces cérémonies. [1600]

ALCIDON
.


Vous devriez donc avoir en cette qualité

Grand nombre de suivants.

ARTABAZE
.


Ce n'est que vanité :

À garder mes États ma suite est occupée.

Je suis, il me suffit, suivi de mon épée.

ALCIDON
.


Vous me ferez faveur si vous me racontez [1605]

Où sont ceux maintenant que vous avez domptés.

Sont-ils morts ou captifs tous ces Rois et ces Princes ?

ARTABAZE
.


Non, je leur ai fait grâce, ils sont dans leurs Provinces :

Mais ils sont seulement déchus de leurs honneurs :

Car au lieu d'être Rois, ce sont des Gouverneurs. [1610]

ALCIDON
.


Quel temps avez-vous mis à conquérir la terre ?

ARTABAZE
.


En un mois à peu près j'achevai cette guerre.

Je pris, s'il m'en souvient, l'Europe en quatre jours :

Et sans de ma victoire interrompre le cours,

Je fis voile en Asie, et passant le Bosphore [1615]

En six jours je domptai les peuples de l'Aurore.

En deux jours je revins de ces lieux reculés,

Je passai la Mer Rouge, et les sablons brûlés,