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Dans sa première Lettre à M. Louvigny de Montigny, cherchant à démêler les causes du dépérissement que tous deux croient avoir constaté dans l’état de la langue française au Canada, il s’arrête tour à tour au climat qui nous “épaissit” et, durant une partie de l’année, nous isole ; à l’absence de tout service militaire, qui, en un couple de siècles, nous a conduits au débraillé physique, généralement accompagné de débraillé intellectuel et moral ; enfin, à des procédés d’enseignement qui selon lui éteignent en nous toute curiosité intellectuelle. Puis il conclut, sur le ton le plus pessimiste, à l’irrémédiabilité du mal.

Il suffira cependant de feuilleter rapidement ce recueil pour voir qu’on peut être né au Canada, avoir été élevé au Canada, n’avoir pas même eu l’incomparable avantage d’une formation classique achevée, et cependant acquérir en très peu d’années une maîtrise parfaite du français.

Je connus Fournier pour la première fois dans l’automne de 1903 à la Presse, où je passai moi-même quelques semaines. Il écrivait alors comme la moyenne de nos reporters, et même, je crois, un peu plus mal. Je me rappelle avoir un jour réclamé son congé après avoir lu certaine histoire de jeune fille poitrinaire, racontée par lui dans un style encore pire que celui qui était de rigueur dans la maison. La Direction décida contre moi. Heureusement, d’autres circonstances ne tardèrent