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XII
MON ENCRIER

pas à tirer Fournier d’un milieu aussi peu propice au développement de la personnalité. Il se révéla plus tard que dès cette époque il avait constamment dans sa poche quelque chef-d’œuvre de la littérature classique française. Ceux qui l’ont connu savent que, dans sa tenue physique, il ne fut pas toujours exempt du défaut qu’il reprochait avec tant de raison à ses compatriotes : le laisser-aller. Ils savent également dans quelle mesure la passion de la lecture fut responsable de cette apparente anomalie. D’une distinction et d’une délicatesse naturelle peu communes chez un fils et petit-fils de paysans, il fit une fois figure de dandy. C’était à son premier départ pour l’Europe, en 1909. Vêtu d’un élégant complet havane fait chez le meilleur tailleur de la rue Saint-Jacques, chemise, cravate, chaussettes et bottines de même nuance, ce grand garçon au teint olivâtre, au regard “inoubliable”, faisait penser à un jeune attaché d’ambassade. Les livres, les revues, les journaux et les manuscrits eurent bientôt raison de la coupe impeccable de ses habits. Racine, La Bruyère, Pascal, Fontenelle, Voltaire, Rivarol, Veuillot, Taine (dans sa Philosophie de l’art et ses Voyages en Italie), Anatole France, Jules Lemaître et Rémy de Goumont, Girault-Duvivier (dans sa Grammaire des Grammaires), Stapfer et Ferdinand Brunot, ne le quittaient pas. Dans un pays où il commit lui-même l’erreur de dire que les études littéraires