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MON ENCRIER

prêter l’oreille, en montant la rue Saint-Valier ou en descendant la côte Lamontagne, pour entendre chuchoter aux vieux rentiers exultants : Ça marche, Québec, hein ! Ça marche-t-il, un peu ! Trois maisons !

Le jour où il s’en bâtira cinq, Montréal n’aura plus qu’à se bien tenir !

En attendant, ils se consolent comme ils peuvent par les souvenirs de leur passé, qu’ils détaillent aux touristes, le plus cher possible. Montrant à leurs visiteurs, d’un geste fier, le champ immortalisé par Montcalm et ses soldats : — Voilà où combattirent nos pères ! disent-ils, sans se demander seulement si ce peuple de héros reconnaîtrait bien ses fils aujourd’hui dans ce peuple de carottiers. L’étranger les regarde, l’étranger s’exclame ; et ils ne s’aperçoivent même pas que c’est d’étonnement.

Très sincèrement, ils croient que l’étranger crie d’admiration, et que c’est une raison bien suffisante, parce que Frontenac a défendu Québec en 1690 et que Montcalm en 1759 est mort pour la patrie aux plaines d’Abraham, pour que le Français ou l’Américain, en l’an de grâce 1913, s’incline devant les concitoyens de Philéas Corriveau et d’Adélard Turgeon.

Donc, les gens de Québec (près Limoilou), aussi fiers de leur gloire dans le passé qu’envieux de notre activité dans le présent, refusent de se com-