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MON ENCRIER

N’allez pas conclure de là pourtant que M. Bourassa admette avoir eu tort contre ce quelqu’un !

Mon excellent ami, j’en suis certain (ajoute-t-il en effet immédiatement), et vous, Messieurs, j’espère, ne m’accuserez pas d’un puéril attachement à mon propre sentiment si je persiste à dire qu’il eût été possible d’opérer l’accord de toutes les opinions sincères et raisonnables autour de l’acte très grave posé par le parlement. J’ose même ajouter que le seul terrain sur lequel cet accord aurait pu se produire est celui dont j’avais dessiné les grandes lignes dans cet article si malmené.[1] Le Canada aurait pu intervenir comme nation, liée à l’Angleterre par des attaches politiques, à la France par des motifs de sentiment et d’intérêt, sans compromettre en rien son état politique et sans ébranler à fond son équilibre économique. Mais pour cela, il eût fallu réserver expressément les solutions constitutionnelles et ne reconnaître aucune sorte d’obligation morale ou légale de participer à la guerre, comme possession de la Grande-Bretagne ou comme partie intégrante de l’Empire britannique. Il eût fallu aussi proportionner notre effort à notre puissance d’action et d’endurance, et tenir compte des conditions particulières du Canada, des intérêts vitaux qu’il

  1. Ou les mots n’ont plus de sens, ou ceci veut dire que M. Bourassa contrairement à ce que nous avions compris l’instant d’auparavant, ne saurait vraiment regretter, malgré tout, ses concessions de 1914 aux partisans de la guerre. Lui-même d’ailleurs nous le dira, deux pages plus loin, en termes formels :

    C’est ce que nous avons fait (il s’agit de sa campagne acharnée contre l’intervention ) et je ne m’en repens pas ; — pas plus que je ne regrette mes inutiles tentatives de conciliation : elles ont au moins servi à déchirer le voile d’hypocrisie dont se couvrent les agents de l’impérialisme et les ennemis de toute civilisation française au Canada. — (Cf. le Devoir et la guerre, p. 22.)

    Là-dessus, vous vous prenez la tête entre les mains et vous cherchez à comprendre…

    — Voyons un peu, vous dites-vous. Voici que M. Bourassa, « persistant » à trouver justifiable son attitude de 1914, déclare bien hautement ne la point regretter, loin de là !

    Mais alors, si elle était justifiable, en quel honneur doit-il remercier M. Héroux de l’avoir dans le temps, « mis sur ses gardes » contre cette même attitude ? En quoi doit-il considérer aujourd’hui comme un devoir de « justice » envers ce dernier de rappeler le fait ? Enfin et surtout, pourquoi diable, s’il ne regrette point son « inutile tentative de conciliation », nous parle-t-il à ce sujet « d’aveu », et depuis quand est-ce comme cela qu’on « avoue » des choses qu’on ne regrette point ?

    Depuis quand, ô lecteur ingénu, allez le demander au Devoir !