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COMME PRÉFACE

⁂ En serions-nous plus estimé, en recevrions-nous plus de louanges de notre belle critique ? S’apercevrait-on que c’est mieux ?

Et si nous voulions, mégalomane accompli, passer "sous la porte basse de la faim", ainsi qu’il est dit dans Ruy Blas, nous pourrions sans peine faire célébrer nos mérites par une critique enthousiaste, unanime à nous proclamer l’un des plus grands écrivains des temps modernes.

Pour cela, nous n’aurions qu’à sacrifier les profits que nous attendons d’une modeste édition à dix cents, en faisant donner à notre livre — pas mieux lavé ni brossé ni peigné, du reste, qu’il n’est ici dans ses modestes hardes, — une somptueuse toilette d’un dollar.

Combien de faiseurs de romans d’aventures, par ce procédé, n’ont-ils pas fait dire d’eux qu’ils enfonçaient Paul Bourget dans le roman psychologique ! combien d’indigents rimailleurs n’ont-ils pas fait proclamer qu’ils effaçaient Homère et Victor Hugo ! combien de Joseph Prud’hommes, ressasseurs d’antiques lieux communs, n’ont-ils pas été affichés par notre critique comme des penseurs plus profonds que Pascal !

Il nous serait facile de nous faire encenser pareillement, si nous étions moins insouciants de cette sorte de louanges.

⁂ Mais nous n’avons pas voulu.

D’abord, ça n’aurait pas été digne.