Page:Fournier - Mon encrier (recueil posthume d'études et d'articles choisis dont deux inédits), Tome II, 1922.djvu/142

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a lieu, tout simplement, dans une calèche, au cours d’une supposée promenade d’agrément.

Dans la calèche, encore, cette autre mercuriale à l’infortunée voyageuse :

Me ferez-vous un crime d’être franc ? dit Jules, avec tristesse. Soyez certaine que je ne voulais pas vous offenser… Je crois avoir saisi la portée de vos paroles..… Vous demandez qu’on étouffe la superstition, mais qu’on l’étrangle avec un mouchoir brodé qui fera son œuvre sans hâte et sans douleur. La différence entre votre père et vous n’est que dans les formes : il veut écraser ; la femme en vous veut engourdir par un sourire… MAIS TOUS DEUX VOUS SOUHAITEZ DE TOUTE VOTRE ÂME L’AVÈNEMENT DE LA LIBRE-PENSÉE, REINE DE L’UNIVERS ! JE VOUS PRÉVIENS QUE, CHEZ NOUS, DANS LE CANADA CHRÉTIEN, LA FOI EST TENACE : ELLE EST SOLIDE COMME LE VIEUX ROC DE QUÉBEC ; QUELQUES PARCELLES EN TOMBENT, MAIS LA MASSE EN EST LÀ POUR BIEN DES SIÈCLES ENCORE. Je m’étonne que M. Delorme vous laisse en compagnie d’un Canadien-Français, de l’un de ces enfants terribles de la superstition, ajouta-t-il, avec un peu de malice (sic) (P. 71.)

Jusqu’ici la petite Française, plus soucieuse, évidemment, de contempler les paysages que de discuter la religion, s’était soigneusement gardée de relever les provocations de son « attentif » cicerone (l’épithète est de M. l’abbé Camille Roy). À ces derniers mots, pourtant, elle ne peut se défendre de lui répondre du tac au tac. « Mon père, cher monsieur, est sûr de moi… Il me sait invulnérable !… C’est même sa fierté de me croire un autre lui-même !… » (P. 72.)

Alors, notre bon jeune homme, furieux de se voir contredire, se fâche pour de bon contre son invitée. Il est trop « poli » (cf. le livre) pour la