Issus de la race la plus vive qui soit au monde, la plus nerveuse, la plus souple, la moins indolente, nous sommes devenus… ce que nous sommes, hélas ! L’isolement, le climat, l’éducation, mille causes obscures, ont fini par faire de nous un peuple d’engourdis, de lymphatiques, — des êtres lents, mous et flasques ; sans contour, en quelque sorte, et sans expression ; tout en muscle, nuls par le nerf ; dans toute leur personne, enfin, vivantes images de l’insouciance, du laisser-aller, de l’à peu près.
C’est une première forme sous laquelle se manifeste le mal qui nous domine, et la plus immédiatement apercevable. D’avance elle annonce et suppose toutes les autres, non moins prononcées et non moins révélatrices. À notre extérieur nous ayant tout de suite jugés sur le reste, l’étranger qui nous étudie trouvera désormais tout naturel de voir à l’état habituel, chez nous, de bons artisans bâcler leur ouvrage ; des hommes de bonne éducation s’excuser à peine d’avoir manqué par négligence à leur propre rendez-vous ; de bonnes et braves gens, enfin, par ailleurs irréprochables et même scrupuleux, se livrer en toute tranquillité d’âme à mille forfaits petits ou grands… Le contraire l’étonnerait plutôt, et que, relâchés et abandonnés comme nous le sommes dans notre allure physique, nous fussions davantage capables