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MON ENCRIER

trompe pas ? Voilà bien ce que vous dites et ce que vous avez voulu dire ?

I. — Non je ne me trompe pas, et, tout d’abord, c’est bien sérieusement que vous nous suggérez comme une chose toute simple, à nous, Canadiens de l’an de grâce 1917, d’aller ainsi prendre intérêt, du jour au lendemain et sans nulle conversion préalable de notre mentalité, à une littérature qui ne « dit » plus rien, précisément, à notre esprit qu’indifférence ou ennui. C’est bien sérieusement que vous compteriez nous voir, tels que nous sommes et sans plus de préparation, absorber ainsi du jour au lendemain, au lieu de la maigre nourriture familière à nos esprits débilités, ces aliments nouveaux et trop riches pour eux qui s’appellent les œuvres du génie français. — Oui véritablement, voilà bien comme vous raisonnez ; et, vous lisant, on ne peut malgré soi s’empêcher de penser (pardonnez-moi !) à quelque personnage de vaudeville, à quelque bon médecin de Labiche ou de Courteline qui, mandé près d’un malade à moitié mort de dyspepsie, ne trouverait rien de mieux, pour le guérir, que de le faire passer, sans transition aucune, de la diète à la suralimentation et du lait de beurre aux viandes saignantes… Très bon, mon cher Montigny, les viandes saignantes pour la santé du corps ! Et très bon aussi, pour la santé de l’esprit, les beaux livres