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LA LANGUE FRANÇAISE AU CANADA

que passables. Ce que je soutiens seulement, c’est que vous leur assignez ici l’emploi le plus fantaisiste du monde et le plus étrange, les gens à qui vous les prescrivez n’étant « taillés », pour vous emprunter votre langage, ni de les assimiler, ni de les digérer, ni même la plupart du temps de les absorber.

De ceci, j’ai déjà suffisamment, je crois, marqué les raisons, pour n’avoir pas ici à les reprendre tout au long. Une phrase de trois lignes, écrite il y a bien trente ans passés, les résume toutes parfaitement à mon gré. C’est celle-ci d’Arthur Buies, que vous citez — comme tant d’autres, hélas ! — sans en avoir un instant soupçonné le sens, et que je cite à mon tour d’après vous (vous permettez ?) : « Pour pouvoir se servir avec fruit des dictionnaires, il faut posséder le génie de la langue. »

Il faut posséder le génie de la langue pour pouvoir se servir avec fruit des dictionnaires, dit Arthur Buies. Il ne dit pas qu’à plus forte raison encore il faut posséder le génie de la langue pour pouvoir lire avec fruit les grands écrivains. Il ne dit pas non plus qu’il faut posséder le génie de la langue pour pouvoir exercer sur ses discours une surveillance fructueuse. — Il ne le dit pas, mais s’il ne le dit pas il l’a pensé, il n’a pas pu ne pas le penser, et moi je le dis à sa place, bien assuré que, delà