la magistrature fût vengée. Et, pour ce motif, je devais, deux fois par jour, manger du skelley avec du sel.
(Vous entendez bien, n’est-ce pas, Dansereau mon confrère ? Du skelley avec du sel… Ça ne vous fait pas peur ???)
Je revois encore, comme si cela était d’aujourd’hui, ce premier repas auquel ma Province me conviait. À quatre heures et demie précises, j’avais pris place, avec les camarades, autour des plats énumérés plus haut.
Tout de suite, je remarquai l’absence de nappe et de serviettes… À quoi pensait donc M. Morin ? Si l’Italien allait répandre les sauces ! — On avait aussi laissé de côté l’argenterie. Sans doute par crainte des voleurs…
Et voici comment nous étions placés à table : à ma droite, l’homme du 15 ; en face de celui-ci, le prétendu voleur ; enfin, me faisant vis-à-vis, l’Italien, également occupé à se gratter son bobo et à prendre du sel à pleines mains dans le récipient commun.
J’étais à jeun depuis longtemps, ayant pris mon dernier repas la veille au soir, à Montréal. J’avais donc bon appétit. Et, ce soir-là, j’avalai sans trop d’efforts une grande cuillerée de skelley. Ce fut mon premier repas de prisonnier.