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fut pas surpris ; mais il ne fut que surpris. Il pensa avec raison que France n’était pas un engagé dans le sens ordinaire du mot, puisqu’il était plutôt le serviteur d’une idée que celui d’un homme. Il reconnut que sa position sociale n’était pas inférieure à celle des autres prétendants possibles à la main de Céline, et que, partant, son amour n’avait rien d’offensant pour elle. Il ne pouvait cependant pas désigner France à sa fille. Il s’était promis qu’elle se marierait à l’homme de son choix ; libre à lui, cependant, de l’éclairer sur ce choix. Au fond de sa pensée, le père Braise qui n’était rien moins que romanesque, doutait que l’amour prétendu de France pour Céline, fut la véritable raison de ce départ. Il se promit d’ouvrir l’œil en attendant une occasion favorable de se mieux renseigner.

Les semences furent commencées et France y déploya son ardeur ordinaire. Elles se terminèrent et furent suivies de ces mille petites besognes que chaque saison ramène sur une ferme. Et France ne partait toujours pas.

Il n’était pas du tempérament du père Braise de se complaire aux situations équivoques et aux cas embrouillés. Aussi crut-il bon de brusquer les choses. Il résolut d’amener France, par une voie détournée, à lui faire son aveu, si aveu il y avait à faire.

On était au mois de juin. Un dimanche après les vêpres, ils partirent tous deux pour faire une visite à leurs champs où commençaient à pointer, d’un vert laiteux, les tiges fines des blés. Du haut de la butte où ils parvinrent bientôt, tout le bien leur apparaissait dans le silence