Page:Frère Gilles - L'héritage maudit, 1919.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Il ne crache pas dedans, il ne crache pas dedans, reprit la veuve Lachance avec dépit, il ne prend que de la bière, et de la bière ce n’est pas de la boisson, je pense. Cyprien n’est pas un ivrogne.

— Il me paraît l’étoffe toute taillée pour en faire un, et avant longtemps.

— Après un avertissement sérieux, je suis sûre qu’il se corrigera ; car c’est un bon garçon, Cyprien.

— Se corriger ? C’est bougrement difficile sans un de ces miracles qui n’arrivent pas tous les jours, parce qu’il faudrait d’abord que le malade veuille être guéri.

— Je n’aurai qu’à lui demander.

— Naturellement ! Si vous avez la précaution de mettre son mariage au bout, il vous promettra dur comme fer, de ne plus toucher à un verre de boisson. Il sera fidèle un mois et, qui sait ? peut-être même deux mois. Mais emporté bientôt par son caractère non moins que par sa passion, il oubliera sa promesse et la vôtre. Une malchance pourra le secouer ; il pleurera en jurant ses grands dieux qu’il fuira désormais l’alcool comme la peste. Et, remarquez bien, ses nouveaux serments seront sincères. Puis, il oubliera encore. Et ainsi de suite. Aimable, cajoleur, généreux, il sera toujours entouré d’amis qui se chargeront de ses promesses à lui, du malheur de sa femme et du déshonneur de ses enfants.

— Si Cyprien se marie avec une personne qu’il aime, ne serait-ce pas un moyen de le sauver ?