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enfants… pour toi-même… pour la souffrance même… C’est ton devoir d’état actuel : sois bonne, puis, espère !

Mère Sainte-Émélie s’était tu et Céline l’écoutait encore, car il lui semblait qu’elle parlait toujours. Ses paroles étaient descendues dans son âme comme un baume qui se posait sur ses plaies saignantes. La résignation vint modifier l’état de son âme et celui de son visage. Lorsqu’elle partit, le calme était revenu, ne laissant presque plus de place à la crainte, et pas du tout au découragement.

Dans la matinée, sans faire allusion aucune à la scène de la veille, et d’une voix toute naturelle, Céline aborda la question des préparatifs du départ.

Le jour même Cyprien se rendit chez le notaire pour résilier le bail de sa ferme passé pour cinq ans. On décida la vente des animaux qui, annoncée à la porte de l’église, s’effectua la semaine suivante.

Tante Mérance ne voulut rien laisser sortir de la maison ; elle acheta tout et paya tout.

N’ayant plus que leurs effets personnels, les préparatifs furent bientôt terminés et le triste jour du départ arriva. Entre les enfants joyeux qui criaient « me-mène » et le père bourru, Céline refoulant ses larmes prêtes à couler, disait à tante Mérance :

— Vous viendrez nous voir, tante Mérance ?

— Jour du pays ! bien sûr que non, répondit celle-ci. Et tout en faisant une moue douloureuse qui rentrait ses lèvres sur ses gencives sans dents, elle embrassait les petits à les manger.