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VIII

Après l’installation à leur modeste logis de la rue Craig, Cyprien avait pris possession de son étal. Déjà connu au marché par ses fréquents voyages, il ne tarda pas à se créer une nombreuse clientèle. Pour répondre aux exigences de ce métier nouveau, son amour du travail semblait renaître, et, à la maison, la tendresse pour sa femme et ses enfants. Les ménages où le bonheur sourit sont comme les peuples heureux : ils n’ont pas d’histoire. Ce fut toute une année de douce paix pour Céline qui, le soir, entre son mari et ses enfants croyait revivre les premiers temps de son mariage.

Cependant il ne faudrait pas croire que Justin avait attendu six mois pour rendre visite à son beau-frère et lui rappeler ses anciennes promesses. De son côté, Cyprien qui avait pris à cœur sa nouvelle tâche et qui semblait goûter une certaine jouissance chez lui, n’avait pas manqué de rendre de fréquentes visites à l’hôtel " Quickjump " où sa venue était toujours saluée avec une joie bruyante. Et comme l’hôtel n’était jamais tout à fait désert, Justin se fit un devoir rigoureux de le présenter à ses amis et aux amis de ses amis. Cyprien trouva bientôt de lui-même, des raisons d’y aller sans être invité. Il s’y rendait pour conclure un marché qu’il fallait « mouiller », pour y parler d’immeuble, pour y jaser des élections échevinales qui se préparaient, etc… Il n’y avait guère plus d’un an qu’ils étaient à la ville et déjà Céline avait perdu l’espoir de garder son mari chez elle, une seule fois par semaine,