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À cette époque leur naquit un troisième enfant, dont la vue aurait dû faire réfléchir le père : un pauvre petit être rachitique, scrofuleux et vraisemblablement idiot. Contre l’espérance de Céline, toute à sa douleur et à sa peine, Cyprien en prit motif pour inaugurer une fête de huit jours.

On comprend qu’avec ce train de vie, le commerce ne pouvait plus être aussi florissant. Rarement balayé, jamais lavé, l’étal disparaissait sous les tas de produits où les nouveaux s’entassaient sur les anciens. La décomposition causée par la chaleur, exhalait une odeur infecte. Les acheteurs passaient devant la porte en se bouchant le nez, et entraient chez le voisin. Ceux qui entraient tout de même, c’étaient des amis de fête, qui se succédaient à tour de rôle dans le petit bureau de Cyprien où les attendait le bien-aimé flacon, déposé dans le coffre-fort où il n’y avait d’ailleurs pas autre chose à prendre.

Inutile d’ajouter qu’à la maison, la gêne se faisait sentir depuis assez longtemps. Certes Céline recevait régulièrement le montant dû pour le fermage de sa terre, mais, aussi régulièrement, son mari lui enlevait de gré ou de force, pour le placer, disait-il, dans l’immeuble où il rapporterait cent pour un. Dans le même temps, et toujours pour la même raison, Cyprien commença à diminuer la somme qu’il laissait à sa femme chaque semaine pour les besoins de la maison. Ce n’était pas encore la misère, mais c’était une pauvreté humiliante.

Qui aurait vu alors Céline, pâle, amaigrie, la tristesse de l’angoisse peinte sur la figure n’au-